L’anglicisme forcené : GROSSE épidémie du monde de la Com’ !

Depuis quelque temps, un mal étrange contamine le monde de la communication visuelle, du graphisme, du marketing (oui je sais), et même de l’entrepreneuriat en général : l’anglicisme forcené. Partout, on nous explique qu’un «personal branding» bien travaillé va «level up» votre «storytelling», grâce à un «feed ultra design» et un «content» impactant. Qu’il faut absolument avoir une «target» bien définie, un «mindset de winner», et ne surtout pas oublier d’optimiser son «call-to-action» pour «driver du lead» qualifié.

Et bien sûr, tout ça ne sert à rien si vous ne «networkez» pas avec les bonnes personnes, histoire de «scale» votre activité et devenir un «game changer» dans votre domaine.

Dessin Dilem

Le COVID, catalyseur d’un phénomène déjà latent.

Ce phénomène existait bien avant, bien sûr. Dans les entreprises, surtout les petites structures montées par de jeunes entrepreneurs à la fibre très « startup », ce jargon anglicisé traîne dans les couloirs et « open spaces » depuis longtemps. On ne parle plus d’une réunion, mais d’un meeting, on ne parle plus d’une idée, mais d’un concept. Il existe même D’AFFREUX « lexiques corporate » bien connu dans certaines boîtes, mélangeant franglais, langue de bois, et vide de sens. Une sorte de sabir moderne, pour faire sérieux.

Lexique corporate
Source : LinkedIn (évidemment)

Mais avec les confinements, tout ça s’est amplifié.

Beaucoup de gens se sont reconvertis dans les métiers de la communication, du graphisme, de la stratégie numérique… Et c’est très bien ! Mais souvent, en cherchant à se professionnaliser, on a copié un langage plus qu’un savoir-faire. Résultat : des milliers d’entrepreneurs et entrepreneuses qui « launchent leur business » et « buildent leur projet » pour « closer des clients » en partageant des « tips » et du « content » sur leur « feed Insta ». Une mode ridicule où l’on saupoudre des anglicismes à chaque phrase. On ne parle plus, on « pitch ». On ne réfléchit plus, on « brainstorm ». On ne réussit plus, on « scale ».

Des clones impersonnels, qui se ressemblent tous et se copient entre eux, comme le fameux micro cravate tenu en main.

Pourquoi tant d’anglicismes ? Pour paraître pro, à la page, dans le coup ? Pour être pris au sérieux dans un monde où l’image compte plus que tout ? Peut-être. Mais c’est oublier qu’il est tout à fait possible et même plus percutant, d’être professionnel dans sa propre langue. 

Et si on reprenait les mots en main ?

L’idée n’est pas de faire la guerre aux anglicismes. Oui, moi aussi je dis t-shirt à la place de maillot, je dis booster, je ne me force pas à dire courrier électronique au lieu de e-mail, je dis parking et non pas aire de stationnement.

Je parle de week-end, de jogging ou de marketing… et ce n’est pas bien grave. Ces mots sont ancrés depuis longtemps dans notre usage quotidien, ils sont presque devenus français dans nos esprits. Mais ce n’est pas de ça qu’il s’agit.

Ce qui fatigue, c’est l’anglicisme forcené, cette boulimie de mots anglais plaqués de force sur chaque phrase depuis quelques années. Ce réflexe devenu automatique, comme s’il fallait absolument saupoudrer ses phrases d’anglicismes pour paraître dans le coup, pro, moderne.

De la valeur ajoutée ?

Mais est-ce que dire ce fichu freelance à la place d’indépendant fait signer plus de devis ? Est-ce que le content est vraiment plus engageant que le contenu ? Est-ce qu’un personal branding est plus convaincant qu’une image de marque ? Est-ce que demander des feedbacks au lieu de retours fera gagner plus de commentaires ? Soyons honnêtes : NON !

Ce n’est pas en accumulant du vocabulaire à l’accent anglais qu’on devient plus crédible. Ce n’est pas parce qu’on parle comme sur LinkedIn qu’on a plus de clients. À force, ça devient même contre-productif : un discours flou, stéréotypé, qui sonne creux. Une coquille vide, polie à coups de keywords anglais.

Et puis… soyons francs : c’est ridicule. Oui, ridicule. Cette surdose de mots anglais finit par fatiguer. Elle donne parfois l’impression qu’on cache un manque de fond derrière une façade de modernité. Elle nous noie dans un monde où tous parlent de la même façon. Dans un milieu extrêmement concurrentiel, où il faut sortir du lot, cette manie est nuisible à ceux qui cherchent à se démarquer.

Et comme si tout cela ne suffisait pas…

Il y a le franglais, cette créature hybride qui mélange français et anglais dans une bouillie linguistique parfois incompréhensible. Même des phrases basiques deviennent absurdes : « Je te forward le mail asap » (l’ignoble ASAP) , « On fait un call pour aligner nos visions »… À ce stade, ce n’est plus échanger, ça devient une parodie de start-up à la Palmashow.

On peut être clair, percutant, inspirant en français. Et c’est même là que réside la vraie différence.

Franglais
Source : Le Parisien

« Ma patrie, c’est la langue française »

Albert Camus

Vive la France !

Alors soyons fiers d’être Français, fiers de parler notre magnifique langue, celle de Molière, de Jean de La Fontaine, de Victor Hugo… Une langue riche, nuancée, pleine de subtilités et de synonymes incalculables. Une langue qui ne manque ni de vocabulaire, ni de précision. Une langue qui mérite mieux qu’un sabordage à coup de « call », de « skills », de « rebranding »…

En 1994, la loi Toubon (ça ne s’invente pas) rappelait que le français est une langue pour réussir

Jacques Toubon

« Notre langue est le trésor dont chacun peut jouir même s’il ne possède rien.
Elle fait notre culture commune et la personnalité de la France dans le monde. »

Jacques Toubon

Encore faut-il lui laisser SA place.