Un logo doit-il être strictement parfait ?

Lorsqu’on se forme au design graphique, on nous enseigne à viser la perfection : des espacements identiques, des tailles uniformes, des alignements précis…
Comme s’il existait une science exacte, faite pour plaire instantanément à l’œil et au cerveau humain.

Logo Dunder Mifflin

La rigueur graphique : ma base, mon école

Pendant des années, j’ai crée des logos (des visuels, des supports imprimés…) en suivant une logique très stricte : formes homogènes, alignements précis, graisses constantes, espacements parfaitement répartis…

C’est comme ça que je me suis formé en autodidacte et en formation. Et franchement ? Ça fonctionne.
Un logo, un visuel, un support imprimé… bien construit, géométriquement équilibré, transmet une sensation d’ordre, de sérieux, de maîtrise.
C’est la fondation du design professionnel.

Et cette base, je continue de l’utiliser au quotidien, dans mes créations de cartes de visite, flyers, menus, brochures… logos. Elle me permet de garantir lisibilité, cohérence et efficacité.

logo dunder mifllin
Logo original

Mais parfois… l’imperfection dit plus

Avec le temps (et l’expérience), j’ai aussi appris à (des fois) relâcher un peu la grille.
À ne pas tout corriger à la règle.
À écouter ce que l’œil ressent plus que ce que le compas dicte.

Prenons un exemple :
Je me suis récemment amusé à “corriger” le logo de Dunder Mifflin, célèbre entreprise fictive de la série The Office.

L’original contient plein de “défauts” : des espacements incohérents, des alignements approximatifs, des graisses inégales…

Et pourtant, il fait parfaitement l’affaire. Il a son charme. Il est même devenu mythique.

Ma version, elle, très scolaire, très “science exacte”, peut sembler plus rigide. Trop parfaite.
Et donc, peut-être… moins vivante.

Ma correction

Un logo, ce n’est pas obligatoirement une équation

La vérité, c’est qu’il n’existe pas vraiment de science exacte du logo.
Parfois, c’est justement une petite irrégularité qui le rend reconnaissable.
Un truc qui dépasse un peu, qui accroche l’œil, qui casse la logique parfaite… et qui fonctionne.

Même si oui, un logo strictement bien exécuté, avec des espacements identiques, des éléments uniformes et une parfaite symétrie, est très plaisant à voir.
Des recherches menées par le CNRS et l’Université de Grenoble montrent que la symétrie est traitée de manière privilégiée par le cerveau humain et même chez d’autres primates

En neuroesthétique, on sait que ces formes régulières activent des zones cérébrales impliquées dans le jugement esthétique, comme le cortex préfrontal médian et le cortex orbitofrontal.
En clair, un design équilibré est souvent perçu comme plus harmonieux, crédible, professionnel et donc satisfaisant pour l’œil et le cerveau.

Vase de Rubin
Vase de Rubin

C’est justement ce que décrit la théorie de la Gestalt, née au début du XXe siècle.
Selon elle, on perçoit un ensemble visuel comme une forme globale cohérente, avant même d’identifier chaque détail.

Un bon exemple de cette perception globale, c’est le vase de Rubin : on y voit soit un vase, soit deux visages de profil, mais jamais les deux en même temps. Le cerveau choisit une interprétation en fonction de la forme dominante.

Cette théorie repose sur plusieurs principes perceptifs qui influencent directement la manière dont un visuel est reçu :

  • La proximité : des éléments proches sont perçus comme un tout.

  • La similarité : des formes ou couleurs semblables sont associées naturellement.

  • La symétrie : elle crée un sentiment d’équilibre et de stabilité.

  • La fermeture : notre œil complète spontanément les formes incomplètes.

  • La continuité : notre regard suit instinctivement les lignes continues ou les alignements logiques.

Ces règles perceptives sont automatiques : le cerveau les applique sans effort, ce qui rend certains logos plus « lisibles », plus agréables ou plus mémorables.

C’est aussi ce qui explique pourquoi un logo bien structuré est souvent perçu comme plus professionnel, plus solide.

Les logos symétriques fonctionnent bien car ils offrent une impression immédiate de stabilité, d’équilibre et de professionnalisme. Leur structure régulière facilite la mémorisation et renforce la lisibilité, même à petite échelle. Cette clarté visuelle crée une sensation de confiance et de sérieux, souvent recherchée par les marques institutionnelles ou techniques.

Logo Google
netcost-security.fr

Mais ce n’est pas une règle absolue, ça ne veut pas dire qu’un logo un peu irrégulier est mauvais. Souvent, c’est précisément ce qui le rend unique et reconnaissable.

Le logo de Google, par exemple, n’est pas mathématiquement parfait. Et c’est volontaire : ces petits déséquilibres subtils le rendent plus vivant, plus humain, plus accessible.

Logo-Canal +
Etienne Robial

Le célèbre « + » du logo Canal+ semble parfaitement centré et symétrique.
Et pourtant… il ne l’est pas. Les mesures le prouvent : les proportions varient subtilement.
Mais à l’œil nu, c’est indétectable.
Une preuve que notre perception prime souvent sur la rigueur géométrique.

Logo Dunder Mifflin

Pour finir, même si oui, ma correction du logo de Dunder Mifflin est parfaite, et que le logo est strictement bien structuré dans les règles de l’art…
Le logo original est plus plaisant à regarder, il a son charme (je l’ai même en autocollant sur mon PC, en grand fan de la série), il a sa personnalité, et il est donc parfait !