Cracker Barrel : la refonte du logo accusée d’être «woke» fait polémique
La modernisation du logo de Cracker Barrel, enseigne emblématique des restaurants familiaux aux États-Unis, a déclenché une véritable polémique outre-Atlantique. Entre critiques virulentes, perte de valeur en Bourse et débats sur la supposée influence de la culture «woke», la décision ne passe pas inaperçue.
Cracker Barrel, une institution qui change de logo
Depuis plus de soixante ans, Cracker Barrel s’est imposé dans le paysage américain avec sa cuisine traditionnelle, son ambiance «country» et son décor rustique. Mais l’entreprise, qui compte 660 restaurants et génère environ 3,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, a choisi de tourner la page de son logo historique.
Fini «Tonton Herschel», l’oncle du fondateur Dan Evins, représenté en salopette adossé à un tonneau. Le nouveau visuel se veut plus épuré : un hexagone jaune avec simplement le nom de la marque. Une décision assumée par la directrice générale Julie Felss Masino, qui estimait déjà l’an dernier que Cracker Barrel n’était «plus aussi pertinent qu’autrefois».
WTF is wrong with @CrackerBarrel??! https://t.co/LkYB5N34Qi
— Donald Trump Jr. (@DonaldJTrumpJr) August 20, 2025
Le mouvement anti-wokisme en furie
Mais dans l’Amérique qui a élu Donald Trump, un président ultra conservateur, ça ne passe pas, son fils Donald Jr. a réagi vivement sur son compte 𝕏 en demandant : «Putain, que se passe-t-il chez Cracker Barrel ?».
Tout en relayant une publication issue du compte «Woke War Room», dont la photo de profil affiche sans équivoque «GO WOKE GO BROKE» («Devenez éveillé, faites faillite»), qui reproche à la chaîne d’avoir effacé une identité visuelle chère aux Américains pour la remplacer par un logo jugé «froid et sans âme».
La polémique a pris une dimension encore plus politique, cumulant près de 50.000 J’aime, 10.000 partages et autant de commentaires, avec ce partage du tweet accusant la PDG Julie Felss Masino d’avoir «abandonné une esthétique américaine si chère à l’entreprise pour la remplacer par une image de marque stérile et sans âme», tout en lui reprochant d’avoir «conservé un régime DEI» axé sur la diversité et l’inclusion, «qui promet d’identifier, de recruter et de faire progresser les embauches en fonction de la race.
Elle devrait démissionner et être remplacée par un leadership qui restaurera la tradition de Cracker Barrel.»
Ce n’est pas la première fois que Cracker Barrel se retrouve au cœur d’une controverse. En 2023, l’enseigne avait déjà suscité la colère d’une partie de la droite américaine après avoir affiché son soutien au Mois des Fiertés. Cette prise de position avait provoqué un flot de critiques sur les réseaux sociaux, certains accusant la chaîne de s’éloigner de ses valeurs traditionnelles pour céder à une orientation jugée trop «progressiste».
La fronde politique se fait entendre
Le républicain Byron Donalds, élu en Floride et candidat au poste de gouverneur, est lui aussi monté au créneau. Fier d’avoir travaillé chez Cracker Barrel par le passé, il a affirmé que personne n’avait demandé cette refonte woke», reprenant même le slogan de campagne de Donald Trump : «Rendre sa grandeur à Cracker Barrel».
The @CrackerBarrel brand was a timeless American classic.
— Byron Donalds (@ByronDonalds) August 23, 2025
It's time to reverse course.
It's time to bring back the old branding and decor.
It's time to Make Cracker Barrel Great Again🇺🇸 pic.twitter.com/2gYYd6XVkE
Chute en Bourse et avis partagés des clients
La polémique n’a pas tardé à se répercuter sur les marchés. Fin de semaine dernière, l’action a chuté de 7,2 %, effaçant près de 94 millions de dollars de valorisation et s’établissant à 54,4 dollars.
Dans un établissement du New Jersey, à Mount Arlington, le débat divise même le personnel : «Ils ont enlevé M. Herschel ! Il va me manquer ? Peut-être !», lance une caissière de la boutique attenante au restaurant, reprochant à l’enseigne de «tout rendre fade». Mais une collègue chargée du nettoyage des tables lui répond aussitôt : «Rien ne change, à part le logo. La cuisine et le menu restent les mêmes». Une habituée, Kathy Brondolo, 67 ans et cliente de longue date, partage ce point de vue. Selon elle, le changement de visuel «ne fait aucune différence, tant qu’on peut le voir au bord de la route».
Cracker Barrel stock is presently down nearly $8 today, erasing roughly $100 million in value after their new logo was revealed. pic.twitter.com/Boy15omjT5
— Clay Travis (@ClayTravis) August 21, 2025
Entre modernisation et conservatisme
Pour David Reibstein, professeur de marketing à l’université de Pennsylvanie, ce type de modernisation est courant et «il ne s’agit pas d’un bouleversement majeur». Mais, nuance-t-il, la clientèle fidèle de Cracker Barrel reste composée en grande partie de conservateurs vivant dans les États républicains, où l’attachement aux traditions est fort. Selon le spécialiste électoral Dave Wasserman, Donald Trump a d’ailleurs remporté en 2024 près des trois quarts des comtés abritant au moins un restaurant Cracker Barrel.
Cracker Barrel a tenu à apaiser les critiques, affirmant que son esprit «country» demeurait inchangé et que son «cœur» ainsi que son «âme n’ont pas changé».
Cette énième polémique, fait écho au tollé qu’avait suscité le changement de logo de Jaguar, avec sa vidéo jugée «woke». Elle s’inscrit dans une tendance plus large : une vague anti-wokisme qui critique de plus en plus les visuels et campagnes valorisant l’inclusivité des minorités, perçue par certains comme excessive et imposée, et ce dans plusieurs pays. Entre réactions virulentes sur les réseaux sociaux et débats publics, les marques doivent désormais naviguer avec prudence lorsqu’elles modernisent leur image ou affichent des valeurs progressistes.
